Le redressement judiciaire
Fiche pratique
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La procédure de redressement judiciaire permet la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation.

Redressement judiciaire :  quelles sont les modalités préalables ?

Qui est concerné par la procédure de redressement judiciaire ?

La procédure de redressement judiciaire est ouverte à :

  • toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale) ;
  • aux personnes morales de droit privé (société ou association, par exemple).

L'entreprise concernée doit se trouver en cessation des paiements mais sans que cette situation soit irrémédiablement compromise.

Quand faire la demande de redressement judiciaire ?

Seule la cessation des paiements, situation dans laquelle l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, peut justifier l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Article L. 631-1 du Code de commerce.

 

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Quelles sont les modalités d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ?

L'ouverture de la procédure doit être demandée par :

  • le débiteur ;
  • au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements, à moins qu'il ait demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation (Se reporter à la fiche sur la conciliation accessible à la fin de la fiche).

La procédure peut aussi être ouverte :

  • sur assignation d'un créancier ;
  • sur requête du ministère public à condition qu'il n'y ait pas de procédure de conciliation en cours ;
  • par le tribunal qui peut se saisir d'office, notamment en cas d'échec de la procédure de conciliation .

La demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent.

 

Le tribunal compétent est le tribunal de commerce pour les commerçants, artisans en entreprises individuelles ou sociétés commerciales.

 

Le tribunal de grande instance pour les autres cas (par exemple, professions libérales).

 

Remarque : le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité.

 

Il doit joindre à sa demande, outre les comptes annuels du dernier exercice, les pièces suivantes établies à la date de la déclaration :

  • l'état du passif exigible et de l'actif disponible ainsi qu'une déclaration de cessation des paiements (formulaire Cerfa n° 10530*01) ;
  • un extrait k-bis ;
  • une situation de trésorerie (c'est-à-dire un document comptable qui établit les dettes et les créances de l'entreprise et qui permet donc de connaître sa situation exacte) datant de moins d'un mois ;
  • le nombre des salariés employés à la date de la demande, le nom et l'adresse de chacun d'entre eux et le montant du chiffre d'affaires apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable ;
  • l'état chiffré des créances et des dettes avec l'indication du nom et du domicile des créanciers et, pour les salariés, le montant global des sommes impayées ;
  • l'état actif et passif des sûretés (c'est-à-dire les garanties accordées aux créanciers pour le recouvrement de leurs créances) ainsi que celui des engagements hors bilan ;
  • l'inventaire sommaire des biens de l'entreprise : immobilisations (biens immobiliers, fonds de commerce, mobilier, matériel, immobilisations financières), valeurs d'exploitation (stocks, en cours de production), valeurs réalisables et disponibles (créances sur clients, autres créances, disponibilités en banque et en caisse) ;
  • s'il s'agit d'une personne morale comportant des membres responsables solidairement des dettes sociales, la liste de ceux-ci avec l'indication de leur nom et domicile ;
  • le nom et l'adresse des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés ;
  • une attestation sur l'honneur certifiant l'absence de désignation d'un mandataire ad hoc ou d'ouverture d'une procédure de conciliation dans les 18 mois précédant la date de la demande (dans le cas contraire, une attestation sur l'honneur faisant état d'une telle désignation ou de l'ouverture d'une telle procédure en mentionnant sa date ainsi que le tribunal qui y a procédé) ;
  • la copie de la décision d'autorisation ou la déclaration, lorsque le débiteur exploite une ou des installations classées au sens du titre 1er du livre V du Code de l'environnement.

Ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables par le représentant de l'entreprise.

 

Remarque : en cas d'impossibilité de fournir l'un de ces documents, la demande n'est pas pour autant irrecevable, il suffit, dans ce cas, d'indiquer les motifs de cet empêchement.

Coût de la procédure

Le coût de la procédure de redressement judiciaire dépend de la nature et de l'importance du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Les étapes de la procédure de redressement judiciaire

Dans un délai de 15 jours suivant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, le tribunal convoque le dirigeant et le représentant des salariés. Ceux-ci sont entendus à huis clos. Le tribunal prend connaissance de la situation de l'entreprise et à l'issue de l'audience, rend un jugement d'ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible (voir la fiche La liquidation judiciaire).

 

Lorsque le tribunal met le débiteur en redressement, il détermine la date de cessation des paiements. En cas de difficulté, elle est fixée à la date du jugement d'ouverture. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois sans jamais être antérieure de plus de 18 mois au jugement constatant la cessation des paiements.

 

Le tribunal désigne le juge-commissaire mais aussi deux mandataires de justice :

  • un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ;
  • un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister dans ses actes de gestion.

Remarque : le tribunal n'est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'une personne dont le nombre de salariés est inférieur à vingt et dont le chiffre d'affaires hors taxes est inférieur à trois millions d'euros.

 

Le jugement qui ouvre la procédure de redressement judiciaire est notifié au débiteur par le greffier dans les huit jours de la date du jugement et est mentionné au registre du commerce et des sociétés.

 

Le greffier procède d'office aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement (BODACC, avis de parution dans un journal d'annonces légales).

Période d'observation préalable à la procédure de redressement

La période d'observation préalable : définition

La procédure de redressement commence :

  • par une période d'observation d'une durée maximale de 6 mois ;
  • renouvelable une fois et qui peut être exceptionnellement prolongée de 6 mois (sans pouvoir dépasser 18 mois).

Pendant cette période d'observation, l'administrateur peut être chargé d'assister le débiteur ou assurer seul l'administration de l'entreprise.

 

Dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du patrimoine de l'entreprise ainsi que des garanties qui le grèvent.

 

Le dirigeant remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe également des éventuelles instances judiciaires en cours.

 

Au plus tard au terme d'un délai de 2 mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal peut ordonner la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que l'entreprise dispose de capacités de financement suffisantes.

 

Remarque : dès l'ouverture de la procédure, les tiers intéressés par la reprise de l'entreprise sont admis à soumettre à l'administrateur leurs offres tendant au maintien de son activité, par une cession totale ou partielle de l'entreprise.

Événements pouvant intervenir au cours de la période d'observation

Clôture de la procédure de redressement judiciaire par extinction du passif

S'il semble, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à la période d'observation et l'entreprise peut continuer son activité.

Cession totale ou partielle de l'entreprise

La procédure de redressement judiciaire a pour objet la continuation de l'entreprise.

 

Néanmoins, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le débiteur est dans l'impossibilité d'en assurer lui-même le redressement. Dans ce cas, le tribunal désigne un administrateur aux fins de procéder à tous les actes nécessaires à la préparation de cette cession et le cas échéant à sa réalisation.

Cessation partielle de l'activité ou liquidation judiciaire

Lorsque la cession totale ou partielle a été ordonnée par le tribunal, la procédure est poursuivie.

 

Remarque: si l'arrêté d'un plan de redressement ne peut être obtenu, le tribunal prononce la liquidation judiciaire et met fin à la période d'observation ainsi qu'à la mission de l'administrateur.

Élaboration du plan de redressement

Bilan économique et social de l'entreprise

Pendant la période d'observation, l'administrateur avec le concours du débiteur établit le bilan économique et social de l'entreprise qui précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise. Au vu de ce bilan, il propose un plan de redressement. De son côté, le mandataire dresse la liste des créances déclarées qu'il transmet au juge-commissaire.

Établissement et arrêt du plan de redressement

Le projet de plan de redressement est élaboré par l'administrateur avec le concours du débiteur.

 

À l'issue de la période d'observation, lorsque l'entreprise a des chances d'être sauvée, le tribunal adopte un plan de redressement qui indique les mesures économiques de réorganisation de l'entreprise consistant en l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou plusieurs activités.

 

Le plan de redressement prévoit les modalités de règlement des dettes, déduction faite des délais et remises consentis par les créanciers.

 

Lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être redressée, le tribunal arrête un plan qui met fin à la période d'observation.

Attention : les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan.

Durée du plan

La durée du plan ne peut excéder dix ans.

Effets du redressement judiciaire

Sort de l'entreprise

Continuation des contrats en cours

La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l'activité de l'entreprise. D'autres contrats, en revanche, peuvent être de nature à aggraver la situation déjà fragilisée de l'entreprise. L'administrateur a, seul, la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours.

 

Un contrat en cours est résilié de plein droit dans deux cas :

  • après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse ;
  • à défaut de paiement dans les conditions définies à l'article L. 622-13 II du Code de commerce et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

Par ailleurs, l'ordonnance du 18 décembre prévoit que la résiliation peut être prononcée par le juge-commissaire, à la demande de l'administrateur, si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

 

Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les obligations.

 

Remarque : si l'administrateur décide de ne pas continuer le bail commercial, il peut en demander la résiliation. Dans ce cas, elle prend effet au jour de sa demande.

Interdiction des paiements

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture (sauf compensation de créances connexes, quand deux personnes sont créancières et débitrices l'une de l'autre, la compensation permet d'éteindre les deux dettes à concurrence de la plus faible).

 

Il emporte également interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture non mentionnée au I de l'article L. 622-17 du Code de commerce.

 

En revanche, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, ainsi que les créances alimentaires sont payées à leur échéance.

Sort du débiteur

L'administrateur est chargé d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux. Il peut également assurer seul, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise.

 

Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration ainsi que les droits et actions qui ne sont pas dévolus à l'administrateur. Les actes de gestion courante accomplis par le seul débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi.

 

Quant à l'administrateur, il est tenu de prendre tous les actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise et à la préservation des capacités de production.

 

A compter du jugement d'ouverture, les parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de la personne morale qui a fait l'objet du jugement d'ouverture et qui sont détenus directement ou indirectement par les dirigeants de droit ou de fait ne peuvent être cédés à peine de nullité que dans les conditions fixées par le tribunal.

 

Le juge-commissaire fixe la rémunération du débiteur, personne physique, ou du dirigeant de la personne morale.

Sort des créanciers

Comités de créanciers

Ils sont obligatoires lorsque :

  • les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et ;
  • lorsque le nombre de salariés de l'entreprise est supérieur à 150 et ;
  • lorsque le chiffre d'affaires est supérieur à 20 millions d'euros.

En dehors de ces cas, la constitution des comités de créanciers est facultative.

 

Dans un délai de 30 jours à compter du jugement d'ouverture, l'administrateur judiciaire réunit les établissements de crédit et les principaux fournisseurs de biens ou de services en deux comités de créanciers.

 

Sont membres de droit du premier comité, les établissements de crédit et assimilés ainsi que tout créancier titulaire d'une créance acquise auprès de l'un d'eux ou d'un fournisseur de biens.

 

Sont également membres de droit du deuxième comité, les fournisseurs de biens ou de services dont la créance représente plus de 3% du total des créances des fournisseurs, les autres pouvant toujours être sollicités par l'administrateur pour en faire partie.

Créances antérieures au jugement d'ouverture

Déclaration de créance

Tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des créances salariales, adressent leur déclaration de créances dans un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture.

Arrêt des poursuites individuelles

Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant :

  • à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
  • à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il en est de même pour les voies d'exécution (c'est-à-dire l'ensemble des procédures permettant d'obtenir l'exécution des actes et jugements).

Arrêt du cours des intérêts

Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous les intérêts de retard et majorations (sauf s'il s'agit d'intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus).

 

Remarque : les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l'arrêt du cours des intérêts prévu à l'article L. 622-28 du Code de commerce.

Créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure

Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation sont payées à leur échéance. Les autres créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l'exception du superprivilège des salaires, des frais de justice et du privilège de la conciliation (voir la fiche La conciliation).

Mis à jour le 28/06/2019
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La procédure de conciliation

Comme le mandat ad hoc, la procédure de conciliation a pour objet de rechercher un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers afin de résoudre les difficultés rencontrées par l'entreprise. 

La déclaration de créances

La déclaration de créances est une formalité obligatoire pour les créanciers qui souhaitent obtenir le paiement des sommes dues par une entreprise en difficulté.