Le développement durable, nouveau principe de la commande publique
Actualité
INFOREG

Loi climat et résilience n° 2021-1104 du 22 août 2021 et décret d'application n° 2022-767 du 2 mai 2022

La loi Climat et résilience introduit les objectifs de développement durable dans leur dimensions économique, sociale et environnementale, dans les principes fondamentaux de la commande publique, de valeur constitutionnelle, à côté des principes d’égalité de traitement, de liberté d'accès et de transparence des procédures. 

Renforcement de la prise en compte du développement durable à toutes les étapes de la commande publique (entrée en vigueur au 12 août 2026)

Dès le stade des spécifications techniques

Déjà les marchés publics et les concessions devaient prendre en compte les objectifs de développement durable dès la détermination en amont des besoins de l’acheteur public ou de l’autorité concédante.
Art. L 211-2 et L 3114-2 du Code de la commande publique

La loi Climat et résilience étend cette obligation à la phase de formalisation de ces besoins, à savoir dans de conception des spécifications techniques dans lesquelles doivent être introduites des considérations environnementales.

Dans les critères d’attribution du contrat

Avant cette nouvelle loi, il n’était pas prévu que les considérations environnementales fassent obligatoirement l’objet d’un critère d’attribution du contrat. 

La loi Climat et résilience introduit une telle obligation dans les marchés publics et les concessions : les acheteurs publics ou les autorités concédantes sont tenus de retenir au moins un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Toutefois, la loi n’énonce pas ces caractéristiques laissant aux donneurs d’ordre une marge d’appréciation au regard de chaque contrat.
Art. L 2152-7 et L 3124-5 du Code de la commande publique

Parmi les critères peuvent également figurer des critères sociaux, qualitatifs ou relatifs à l’innovation.

Point important, cette nouvelle obligation ne permet plus de ne retenir que le seul critère du prix. Le décret du 2 mai 2022 supprime dans la partie réglementaire du code de la commande publique toute possibilité de critère d’attribution uniquement fondé sur le prix. Si le donneur d’ordre choisit de recourir à un seul critère d’attribution, il doit s’agir du coût global (cycle de vie) intégrant nécessairement des considérations environnementales.

S’agissant des marchés publics, l’article R 2152-7 du code relatif aux critères d’attribution, issu du décret du 2 mai 2022, est ainsi rédigé : "Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde sur un ou plusieurs critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution qui peuvent être  :

  1. Soit le critère unique du coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie et qui prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ;
  2. Soit sur une pluralité de critères parmi lesquels figurent le prix ou le coût. Au moins l’un d’entre eux prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Ces critères peuvent également comprendre des aspects qualitatifs ou sociaux. 

Ces critères peuvent porter notamment sur les éléments suivants :

  • la qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ;
  • les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ;
  • l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché.

D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution.

Les critères d'attribution retenus doivent pouvoir être appliqués tant aux variantes qu'aux offres de base".
S’agissant des concessions, l’article R 3124-4, issu du même décret, est ainsi rédigé : "Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l'article L. 3124-5, sur une pluralité de critères non discriminatoires dont au moins l’un d’entre eux prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Au nombre de ces critères, peuvent également figurer des critères sociaux ou relatifs à l’innovation".

Dans les conditions d’exécution du contrat

Auparavant, le donneur d’ordre appréciait s’il souhaite inscrire des considérations environnementales dans les conditions d’exécution. 
La loi Climat et résilience rend obligatoire la prise en compte de considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution du marché ou de la concession. 
Art. L 2112-2 et L 3114-2 du Code de la commande publique

Outre les considérations environnementales, pour les marchés et concessions dont le montant est supérieur aux seuils européens au titre des procédures formalisées, les conditions d’exécution doivent prendre en compte des considérations relatives au domaine social, à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées. Le décret du 2 mai 2022 précise que le rapport annuel du concessionnaire doit comporter une description des mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat. Art. R 3131-3, 3° du Code de la commande publique

Des exceptions sont prévues :

Pour les marchés publics, elles sont de 4 ordres : Art. L 2112-2-1 du Code de la commande publique

  • Le besoin peut être satisfait par une solution immédiatement disponible,
  • La prise en compte de ces considérations n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché,
  • Elle devrait restreindre la concurrence ou rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation,
  • Le marché est un marché de travaux inférieur à 6 mois.

Pour les concessions, elles sont de 2 ordres :  Art. L 3114-2-1 du Code de la commande publique

  • L’absence de lien avec l’objet du contrat,
  • ces conditions risquent de restreindre la concurrence ou de rendre l’exécution plus difficile d’un point de vue technique ou économique.

En tout état de cause, le recours à une de ces exceptions doit être justifié par l’acheteur public ou l’autorité concédante.

Par ailleurs, le rapport annuel du concessionnaire devra inclure la description des mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat.
Art. L 3131-5 du Code de la commande publique

Introduction d’un nouveau cas d’exclusion de la commande publique

Avec la loi Climat et résilience, à compter du 22 août 2026, l’acheteur public ou l’autorité concédante peut, à sa discrétion, exclure un candidat qui ne remplirait pas l’obligation de plan de vigilance au titre de l’année précédant celle de l’engagement de la consultation. Cette disposition entre en vigueur le 4 mai 2022 (décret du 2 mai 2022).

Art. L 2141-7-1 et L 3123-7-1 du Code de la commande publique

On rappellera que selon l’article L 225-102-4 du Code de commerce, toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins 10 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance. Ce plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER)

Créés par la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire (ESS), ces schémas voient leur contenu et leur portée renforcés par l’article 35 de la loi Climat et résilience : Art. L 2111-3 du Code de la commande publique

  • Ils sont rendus publics, notamment par mise en ligne sur le site de l’acheteur public, afin de permettre de mieux identifier et de valoriser les "acheteurs responsables" ainsi que de diffuser des bonnes pratiques ;
  • Ils comportent des indicateurs précis exprimés en nombre de contrats ou en valeur sur les taux réels d’achats publics socialement et économiquement responsables, et ce par acheteur. Cela inclut par exemple les achats auprès d’entreprises solidaires d’utilité sociale, d’entreprises employant des personnes défavorisées ou vulnérables. L’acheteur doit préciser les objectifs et les cibles à atteindre.

Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2023 et d’ici le 22 août 2024, le gouvernement remettra au parlement un rapport d’évaluation et proposera un modèle de schéma.

Le décret du 2 mai 2022 baisse de 100 millions d’euros à 50 millions d’euros le seuil de montant d’achats annuels déclenchant l’obligation de d’élaborer un tel schéma. Ce montant annuel est déterminé en prenant en compte les dépenses effectuées par l’acheteur public au cours d’une année civile dans le cadre de ses marchés.

Portail national de la commande publique

Dans un souci de transparence, les données essentielles de la commande publique (passation, contenu du contrat, exécution, modification) sont publiées par chaque acheteur annuellement sur un portail national de données ouvertes. Le décret du 2 mai 2022 précise que l’acheteur public publie sur ce portail les données essentielles des marchés répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 40 000 euros HT, et ce dans les deux mois de la notification du marché ou de sa modification. Une même publication est prévue pour les concessions mais sans condition de seuil. Art. 3131-1 du Code de la commande publique

Par ailleurs, depuis 2018, un Observatoire économique de la commande publique, placé auprès du ministre de l'économie, analyse les données relatives aux aspects économiques et techniques de la commande publique. Il effectue ce recensement économique à partir des données essentielles publiées par les acheteurs sur le portail dont la liste et les modalités de communication sont fixées par arrêté ministériel.

Le recensement économique a pour objet d'assurer l'exploitation et l’analyse statistique des données relatives à la passation, à la notification et à l'exécution des marchés.

L’Observatoire constitue aussi une instance de concertation et d'échanges d'informations avec les opérateurs économiques, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices et contribue à la diffusion des bonnes pratiques.

Ce dispositif entrera en vigueur à une date fixée par arrêté ministériel et au plus tard au 1er janvier 2024.

Obligation d’utiliser des matériaux biosourcés ou bas carbone

A compter du 1er janvier 2030, les rénovations lourdes et les constructions relevant de la commande publique devront utiliser de tels matériaux pour au moins 25 %, selon des seuils fixés un décret (a venir).

Mis à jour le 10/05/2022
Commande publique : L'exécution financière des marchés publics et avances

Le décret n°2020-1261 du 15 octobre 2020 (JO 17 octobre 2020) poursuit l’effort de simplification des règles gouvernant l’exécution des marchés publics, en particulier les conditions financières, sujet sensible pour les PME soucieuses de préserver leur trésorerie dans un contexte économique difficile.