Ingénieur en propriété intellectuelle, Éric Loberger travaille au service du développement industriel des entreprises au sein de la CCI Bourgogne Franche-Comté et du réseau Enterprise Europe Network. Son rôle est d’accompagner les porteurs de projets autour de la question de la propriété intellectuelle et de son implantation stratégique. Il revient sur la mise en place depuis le 1er juin 2023 de ce nouvel outil phare en matière d’innovation.
Après des décennies de négociations au sein de l’Union Européenne, le brevet européen à effet unitaire (ou simplement brevet unitaire) est enfin entré en vigueur le 1er juin 2023 !* L’occasion de rappeler pour les heureux détenteurs de projets potentiellement brevetables qu’il existe désormais, en plus du brevet national et du brevet européen, un troisième choix pour protéger leurs inventions.
Qu’est-ce que le brevet unitaire ?
Ce brevet permet à tout titulaire d’une invention de déposer un brevet dans dix-sept Etats membres de l’Union européenne en même temps. Dorénavant il y a un seul dépôt pour une seule protection et une seule gestion. Le titulaire n’a plus besoin d’un suivi dans chacun de ces pays membres.
Afin de déposer un nouveau brevet à effet unitaire, il convient de passer par la même procédure que le brevet européen délivré par l’Office Européen des Brevets (OEB). Ainsi il n’y a pas de changement avec la phase de délivrance. Le niveau d’examen et de recherche demandé aux titulaires est identique.
Une fois le brevet européen délivré, un choix s’offre cependant aux titulaires : ils peuvent demander l’application de l’effet unitaire au brevet ou bien le refuser.
Les brevets européens actuels sont aussi concernés. Il vous est donc offert la possibilité d’appliquer, ou non, l’effet unitaire à des brevets européens existants. Il importe d’établir en amont une stratégie concernant vos brevets, le choix du brevet unitaire ayant des implications budgétaires et juridiques.
Quel champ d’application ?
Vingt-quatre Etats membres de l’Union européenne ont signé l’accord relatif à la juridiction unifiée du brevet (AJUB), texte européen promulguant le nouveau brevet. Pour l’instant, ce dispositif n’est entré en vigueur que dans dix-sept pays membres.
Carte des pays appliquant l’AJUB en juin 2023 :
Carte émise par l'OEB sur le site epo.org
Quel tribunal compétent en cas de litige ?
Dans le cadre de la mise en place de ce nouveau système une cour de justice a été créée : la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB). Elle est compétente pour tout nouveau litige sur la validité et la contrefaçon des brevets à effet unitaire.
L’émergence de cette nouvelle Juridiction va renforcer la sécurité juridique des justiciables par une harmonisation du droit applicable. Elle permet également de simplifier les procédures pour les titulaires de brevet unitaire en évitant les litiges traités parallèlement dans plusieurs pays.
Elle se compose d’un tribunal de première instance, d’une cour d’appel et d’un greffe.
Afin de saisir la JUB, le requérant doit déposer un mémoire au greffe qui signifiera l’action au défendeur.
Seules les personnes suivantes ont la capacité à agir :
- Le titulaire d’un brevet,
- Le titulaire d’une licence exclusive sur un brevet, à condition que le titulaire du brevet soit informé au préalable et que la licence n’en dispose pas autrement,
- Le titulaire d’une licence non-exclusive sur un brevet, à condition que le titulaire du brevet soit informé au préalable et que la licence autorise expressément cette action,
- Toute personne concernée par un brevet
- Toute personne affectée par une décision prise par l’OEB.
Quel coût pour ce brevet ?
Si le brevet européen classique permet de faire un dépôt unique, il nécessite de payer des annuités à chaque autorité nationale compétente concernée par un dépôt.
Par le paiement d’annuités à l’OEB, le brevet unitaire permet le maintien d’un seul et unique brevet dans dix-sept Etats européens en même temps.
Tableau des annuités de maintien d’un brevet européen à effet unitaire :
Aucune taxe n'est due pour le dépôt et l'examen de la demande d'effet unitaire ni pour l'inscription d'un brevet unitaire.
Quelle langue utiliser pour le dépôt d’un dossier ?
Pendant une période transitoire de six ans, pouvant s’étendre jusqu’à douze ans, il sera toujours demandé aux titulaires de se munir d’une traduction du fascicule du brevet européen. Au terme de ce délai, l’OEB ne demandera plus de traduction officielle de la documentation dans une des langues obligatoires.
La langue du dossier devra être :
- En anglais si la langue de la procédure devant l'OEB est le français ou l'allemand
- Dans une autre langue officielle d'un État membre de l'Union européenne si la langue de la procédure est l’anglais
Un système de compensation est prévu pour couvrir les coûts liés à la traduction si celle-ci a été déposée dans une langue officielle de l'Union européenne autre que l'anglais, le français ou l'allemand. D’un montant forfaitaire de 500€ pour les les PME, les personnes morales, les organisations sans but lucratif, les universités et les organismes de recherche publics établis dans l'Union européenne.
*Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (2013/C 175/01)