Indemnité de rupture conventionnelle : quel est le bon montant plancher ?
Témoignage

Parole d'expert : Uriel SANSY, Avocat associé - Factorhy Avocats

Dispositif créé par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail[1], la rupture conventionnelle est un mécanisme qui, au fil des années, a été de plus en plus utilisé par les entreprises.

En mars 2021, l’administration faisait ainsi état de 35 000 ruptures conventionnelles (relatives à des salariés non protégés) homologuées[2].

Pour autant, de nombreuses entreprises s’interrogent encore sur le montant plancher de l’indemnité de rupture conventionnelle à verser à un collaborateur : indemnité légale de licenciement ? Indemnité conventionnelle de licenciement ?

Eclaircissement à la lumière, notamment, de l’actualité judiciaire récente[3].

 

1.  Les dispositions légales relatives à l’indemnité de rupture conventionnelle prévoient que « le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (…) ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 [autrement dit, le montant de l’indemnité légale de licenciement de droit commun] »[4].

Cet article doit être lu strictement. Seul le montant de l’indemnité légale de licenciement, selon les modalités de calcul de droit commun, s’applique. Il n’est donc pas possible, pour les salariés qui, au regard de leur statut, bénéficient d’une indemnité légale de licenciement spécifique différente de celle applicable de droit commun (par exemple les journalistes[5]), de la prendre pour référence[6].

Pour rappel, l’indemnité légale de licenciement de droit commun ne peut être inférieure aux montants suivants (en cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets)[7] :

  • un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
  • un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

2.    En parallèle de ces dispositions, le MEDEF, la CGPME (devenue la CPME) et l’UPA (devenue l’U2P) ont négocié et conclu un accord national interprofessionnel couvrant la rupture conventionnelle.

Ce texte prévoit que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle doit être au moins égal à celui de l’indemnité légale de licenciement ou, si celui-ci est plus favorable, à celui de l’indemnité conventionnelle de licenciement[8].

Cette règle ne s’applique néanmoins pas à toutes les entreprises.

En effet, sont exclues du champ d’application de ces dispositions conventionnelles les entreprises qui ne sont pas adhérentes auprès de l’une des organisations patronales signataires de cet accord et dont l’activité appartient à un secteur qui n’est pas représenté par au moins une de ces organisations (ainsi qu’évoqué, le MEDEF, la CPME et l’U2P).

Autrement dit, deux hypothèses doivent être distinguées :

  • soit l’entreprise est adhérente et/ou appartient à un secteur représenté par au moins une des organisations patronales signataires : le minimum de l’indemnité de rupture conventionnelle correspond, selon le plus favorable, soit au montant de l’indemnité légale de licenciement, soit au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
  • soit l’entreprise n’est pas adhérente et n’appartient pas à un secteur représenté par au moins une des organisations patronales signataires : le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle est au moins égal au montant de l’indemnité légale de licenciement (quand bien même le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement serait plus favorable).

3.    Dans l’hypothèse où l’entreprise est assujettie au minimum de l’indemnité conventionnelle de licenciement (s’il y a lieu), qu’en est-il lorsque le statut collectif en vigueur au sein de celle-ci ne prévoit le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement que dans certains cas de licenciement ?

A titre d’illustration, il peut par exemple s’agir d’un accord collectif prévoyant, uniquement en matière de licenciement économique et de licenciement pour insuffisance professionnelle, une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale et, dans les autres cas (licenciement pour faute,...), l’application de l’indemnité légale de licenciement.

Dans une telle hypothèse, l’employeur sera tenu de considérer que le montant plancher de l’indemnité de rupture conventionnelle correspond au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable visé à l’accord collectif. La Cour de cassation, dans une décision récente, a pu tenir cette position[9].

4.    Une fois ces principes posés, l’employeur doit donc veiller à prendre pour référence le bon montant plancher. En effet, une indemnité insuffisante mentionnée à la convention de rupture conventionnelle pourrait amener l’administration à refuser son homologation.

Si jamais néanmoins la convention a été homologuée alors même que le montant de l’indemnité de rupture visé était inférieur à celui dont aurait dû bénéficier le salarié, l’entreprise ne s’expose pour autant pas à une nullité de la convention. Cet ancien collaborateur pourra uniquement réclamer, sur le terrain judiciaire, le versement du différentiel[10].
 


[1] Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008
[2]  DARES – Les ruptures conventionnelles
[3]  Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-24.650
[4]  Article L. 1237-13 du code du travail
[5]  Article L. 7112-3 du code du travail
[6] Cass. soc., 3 juin 2015, n° 13-26.799
[7]  Articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail
[8]  Article 11 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, précisé par l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail
[9]  Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-24.650
[10]  Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-10.139

 

 

Parole d'expert :
Uriel SANSY - Avocat associé
cabinet Factorhy Avocats

Mis à jour le 13/09/2021
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