Vote électronique : une décision de l’employeur « à défaut » d’accord collectif
Témoignage

Parole d'expert : Uriel SANSY, Avocat associé et co-fondateur du cabinet FACTORHY Avocats

Le recours au vote électronique existe de longue date au sein du code du travail, dans un chapitre relatif aux élections professionnelles.

Mécanisme d’abord peu utilisé, en ce qu’il impliquait nécessairement la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou de groupe(1), ce dispositif s’est peu à peu démocratisé en raison, d’une part, de l’évolution de la loi offrant à l’employeur la possibilité d’y recourir unilatéralement « à défaut » d’accord(2) et, d’autre part, à la faveur de la dématérialisation de plus en plus importante des outils.
 

Par un arrêt récent, la Cour de cassation est venue rappeler l’interprétation à donner à la mention de la loi « à défaut »(3), précisant qu’il ne peut s’agir d’une simple alternative. Ainsi, ce n’est que « lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique »(4) .
 

Autrement dit, tout employeur qui souhaite passer par le vote électronique doit dans un premier temps privilégier la négociation collective, et ce loyalement (exit l’absence de négociation préalable voire les négociations bâclées, tout juste formelles). Ce n’est que, dans un second temps, en cas d’échec des négociations (un PV de désaccord pourrait utilement être formalisé à des fins probatoires), qu’une décision unilatérale de recours au vote électronique par l’employeur pourrait être prise.
 

Cette position est tout sauf une surprise.
 

En effet, le même principe de subsidiarité avait pu être précisé par la Cour en 2019, concernant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein d’une entreprise, étape préalable aux élections professionnelles(5) .
 

Quid néanmoins de l’absence de délégué syndical avec qui négocier ? Est-ce que les voies dérogatoires offertes par la loi en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise(6) obligent l’employeur à tenter de les emprunter avant toute décision unilatérale ?
 

A cette problématique, la Cour fait preuve de pragmatisme.
 

Elle précise que « dès lors que le législateur a expressément prévu qu’à défaut d’accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, cette décision unilatérale peut, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise ou dans le groupe, être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires »(7).
 

Il convient par ailleurs de garder à l’esprit qu’en cas d’utilisation du vote électronique, de nombreuses garanties doivent être respectées (contenu du protocole d’accord préélectoral encadré, mise en place d’une cellule d’assistance technique, transmission aux salariés d’une notice d’information détaillée sur le déroulement des opérations électorales, formation des membres de la délégation du personnel et des membres du bureau de vote sur le système de vote électronique retenu,…)(8).
 

Chaque employeur devra donc prendre soin de vérifier le respect de ces différentes étapes et garanties, au risque de voir les élections professionnelles organisées en son sein être contestées.

 

(1) Anciens articles L. 2324-19 et R. 2324-4 du code du travail
(2)  Article L. 2314-26 du code du travail
(3)  « si un accord d'entreprise ou, à défaut, l'employeur le décide »
(4)  Cass. soc., 13 janvier 2020, n° 19-23.533 – extrait
(5)  Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948
(6)  Articles L. 2232-21 et suivants du code du travail
 7) Cass. soc., 13 janvier 2020, n° 19-23.533 – extrait
(8)  Articles R. 2314-5 et suivants du code du travail

 

 

Parole d'expert :
Uriel SANSY, Avocat associé et co-fondateur du cabinet FACTORHY Avocats,
titulaire de la spécialisation en droit du travail

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