En échangeant avec Morad Attik, on comprend rapidement que l’humain est au cœur de son parcours. Aujourd’hui père de trois enfants, Morad Attik, issu d’un milieu populaire, grandit à Meaux (77) au sein d’une famille nombreuse et aimante. Dès son plus jeune âge, il est entraîné par ses grands frères dans des discussions scientifiques. Il avoue : « Je ne sais pas d’où cela vient dans notre famille car mes parents n’ont pas fait d’études. » Ce qui est certain, c’est que ces échanges forgent en lui un amour inconditionnel pour le savoir. Son engagement auprès de la jeunesse se précise lorsqu’il devient éducateur et animateur dans des maisons de quartier. Il se souvient : « J’ai perçu alors mon talent pour accompagner ces adolescents et les aider à aller jusqu’au bout de leurs projets ».
Après une classe préparatoire, sur les traces de son grand frère ingénieur, il choisit pourtant une autre voie, celle de la transmission. Il devient professeur de mathématiques.
Après avoir enseigné près de huit ans, en France comme à l’étranger, notamment à Alep et au Caire, il réalise que son rôle ne se limite pas aux salles de classe. Ces expériences internationales élargissent sa vision, l’ouvrent à d’autres pédagogies et à d’autres cultures. Et surtout, elles modèlent les bases de ce qu’il va bâtir à son retour en France.
En 2014, fort de sa volonté de démocratiser l’accès à l’éducation des nouvelles technologies, Morad Attik cofonde Evolukid avec son frère Rabah Attik. Ce projet innovant naît de discussions autour de la science et de la transmission pour préparer les jeunes aux défis de demain. Il explique : « On a pris le pari audacieux d’enseigner le codage à des gamins dès 8 ans. Pour nous, tout le monde doit comprendre ce qu’est un algorithme et pas seulement si tu fais une première scientifique ! »
À une époque où le concept de startup était encore peu répandu en France, « c’était fin 2015, avant la startup nation, avant les incubateurs », comme le précise Morad Attik, Evolukid est lancé, sans réseau ni accompagnement institutionnel. Les débuts furent difficiles. « Je dois apprendre tout seul, je n’ai pas les codes de l’entreprise, seulement les outils d’un enseignant », confie-t-il. Pourtant, grâce à leur détermination, Evolukid devient rapidement une référence dans le domaine de l’Edtech.
EdTech : abréviation de Educational Technology (ou technologie de l’éducation, en français) désigne l’ensemble des outils, applications, plateformes et technologies numériques utilisés pour améliorer l’enseignement ou l’apprentissage. L’objectif est de rendre l’éducation accessible, personnalisée, interactive et efficace.
L’entreprise se développe et se démarque dans la robotique, la réalité virtuelle ou encore l’impression 3D. « Ce sont ainsi des centaines de projets menés pour les collectivités et les entreprises, mais toujours sous forme de projets », précise Morad Attik. L’entreprise s’intéresse aussi aux collaborateurs dans les entreprises pour vulgariser ces savoirs, toujours dans un esprit ludique. Ils sont ainsi amenés à participer à des séminaires ou à monter des hackathons pour de très grandes entreprises comme TF1 ou L’Oréal. Ils ont, par exemple, collaboré avec la MAIF pour le Numérique Éthique Tour. Près de 300 000 personnes touchées en trois ans, « cela témoigne de la crédibilité et de l’impact d’Evolukid », rapporte fièrement Morad Attik. Par ces initiatives, il atteste que l’innovation pédagogique peut s’imposer et transformer le paysage éducatif. Pour lui, chaque réalisation confirme sa conviction que « l’on peut se construire un réseau à partir de zéro ».
Toujours précurseur sur les technologies, Morad Attik oriente ses ambitions vers l’intelligence artificielle. Conscient que l’IA est trop cantonnée à une “boîte noire” inaccessible au grand public, avec son frère, ils écrivent pendant le confinement ”L’intelligence artificielle, tu connais ?” publié en 2021 aux éditions Eyrolles. Ensuite, le programme KESK’IA est lancé pour rendre l’IA concrète, applicable et surtout utile pour tous. Il affirme : « Avec l’IA, on peut diminuer le gaspillage alimentaire, améliorer la gestion des déchets ou encore lutter contre le harcèlement. C’est du concret. Ça parle. »
Au-delà de l’aspect technologique, KESK’IA s’inscrit dans une démarche sociale forte. Il dénonce la discrimination qui frappe régulièrement les jeunes issus des quartiers populaires et des minorités. « 95% des étudiants qui ne trouvent pas de stage ou d’alternance sont noirs ou arabes », allègue-t-il. Il souligne ainsi la nécessité de briser les barrières et de donner une chance à tous. Grâce à KESK’IA, il fédère et dynamise ces talents, en mettant en avant l’importance de l’expérimentation sur le terrain avec les collectivités et la force d’un réseau. Par exemple, en organisant des challenges locaux dont les meilleurs projets sont présentés devant une audience hétérogène. Il se souvient : « À Trappes, une restitution a réuni 250 personnes dans une salle municipale ». Preuve que l’innovation technologique peut rassembler et s’accompagner d’un impact social puissant. De plus, à la clé de ce programme, qui fonctionne par saison, les meilleurs projets d’IA locaux sont récompensés d’un voyage à la Silicon Valley.
Ce programme connaît un succès retentissant sur les réseaux sociaux. Plus de 11 millions de vues. Un impact tel que même le président de la République française, Emmanuel Macron s’est intéressé à KESK’IA, saluant personnellement les réalisations des jeunes. Cette reconnaissance nationale, conjuguée à la vocation de démocratiser l’IA, permet à Morad Attik d’inscrire son action dans une dynamique de transformation sociale. Un brin espiègle, il explique : « Ce que la banque des territoires a peiné à faire en deux ans, moi, je peux le déployer en un an grâce aux ressources locales ».
Dans cette dynamique et la continuité du programme KESK’IA, Morad et Rabah Attik ont ouvert KESK’IA CONSULTING, une ESN (Entreprise Service Numérique). Spécialisée dans la data et l’IA, elle accompagne les entreprises dans leurs enjeux stratégiques et leur développement.
Fort de près de dix ans d’expérience, Morad Attik se fait le porte-voix d’une nouvelle génération d’entrepreneurs issus des quartiers prioritaires de la ville (QPV). À ce titre, il endosse le rôle d’ambassadeur du programme Boost Entrepreneurs Objectif Excellence, un dispositif du programme entrepreneuriat Quartiers 2030 qui offre aux jeunes des QPV un accompagnement personnalisé.
Pour lui, transmettre son expertise est aussi essentiel que d’innover. Par ailleurs, il insiste sur l’importance du personal branding. « Je pousse tout le monde à aller sur LinkedIn. Être visible, incarner ce que l’on vend, c’est fondamental pour accélérer son business », affirme-t-il.
Par son parcours atypique – de professeur à CEO – Morad Attik souligne que, même sans être issu des grands réseaux d’écoles et sans les codes traditionnels de l’entreprise, il est possible de bâtir un projet solide. Il encourage les jeunes à aller de l’avant, même si tout n’est pas parfait avant le départ : « Ne réfléchissez pas trop, lancez-vous et tirez les enseignements de vos expériences ».
Par ailleurs, il aborde aussi les enjeux plus vastes de la société actuelle. Conscient des transformations rapides induites aussi par l’IA, il appelle à une mobilisation collective pour que l’IA serve avant tout l’humain. L’essentiel est de rester concentré sur les enjeux stratégiques et sociétaux, sans se laisser distraire par des faits divers. Selon lui, « L’IA peut être à la fois bénéfique et dangereuse ; c’est pourquoi il est indispensable de travailler sur l’humain, de favoriser l’empathie et de rester soudés face aux défis sociétaux ». L’innovation va de pair avec l’éducation et la lutte contre les discriminations, afin de permettre à chacun de contribuer au bien commun.
Le témoignage de Morad Attik est une véritable ode à l’ambition, à la résilience et à l’engagement social. Il invite chaque jeune à croire en ses capacités, à s’affranchir des discriminations et à utiliser les outils du digital pour prétendre à un avenir radieux. Son engagement en tant qu’ambassadeur du programme Boost Entrepreneurs Objectif Excellence rappelle que l’innovation technologique doit être au service du bien commun, permettant à tous de contribuer à une société plus inclusive et solidaire.