Le décret du 29 octobre 2020 interdit l’accueil du public aux Restaurants et débits de boissons (ERP N), établissements flottants pour leurs activités de restauration et débit de boissons (ERP EF), Restaurants d’altitude (ERP OA), et aux hôtels pour les espaces dédiés aux activités de restauration et débit de boisson.
Par dérogation, le même décret autorise ces établissements à accueillir du public, pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, de room service pour les bars d’hôtels et de restauration collective sous contrat.
Si pendant la crise sanitaire, les cafés et restaurants sont autorisés à remplacer l’accueil du public par de la vente à emporter, tous n’étaient pas en mesure de le faire auparavant, et tous ne seront pas automatiquement autorisés à maintenir cette activité une fois les mesures dérogatoires supprimées.
Hors crise sanitaire, une entreprise est autorisée à pratiquer les activités qui sont déclarées sur son Kbis ET qui sont autorisées par le paragraphe "destination" de son bail commercial.
Pour qu’un café ou un restaurant développe une activité de vente à emporter, il faut donc, cumulativement :
- qu’il l’ait déclaré au nombre de ses activités portées sur le Kbis pour l’établissement concerné (au moment de son immatriculation ou plus tard, par une adjonction d’activité)
- qu’il y soit expressément autorisé par son bail commercial.
En effet, l’article 1728 du Code civil impose au preneur (locataire) d’user de la chose louée (le local commercial) conformément à la destination qui lui a été donnée par le bail, ce qui contraint le locataire à n’exercer dans les lieux loués que les activités spécifiquement autorisées par son bail commercial.
Hors période de crise sanitaire, une destination du bail (activité autorisée) de "café-restaurant" ou de "bar-brasserie" ne permet pas à elle seule l’exercice de l’activité de vente à emporter qui doit être spécifiée.
Au premier confinement, le décret du 23 mars 2020 est venu interdire l’accueil du public pour de nombreuses catégories d’établissements, dont les restaurants et débits de boissons "sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter".
Le décret du 29 octobre 2020 n°2020-1310 a rétabli cette restriction notamment pour les restaurants et débit de boissons, avec la même exception relative à la vente à emporter.
Dans ce contexte, on peut considérer que les décrets ont, de fait, autorisé les cafés et restaurants à pratiquer l’activité de vente à emporter pendant la crise sanitaire, même lorsqu’elle ne figure pas dans leur bail.
Une fois levées les mesures de restriction, de nombreux restaurants auront probablement envie de conserver l’activité de vente à emporter : les entrepreneurs concernés devront vérifier dans leur bail commercial, si la destination de celui-ci l’autorise.
Si l’activité y figure, alors l’entrepreneur pourra la conserver, sous réserve de respecter la réglementation qui lui est propre, et de procéder aux formalités administratives éventuellement nécessaires.
Dans le cas contraire, le preneur devra obtenir l’autorisation de son bailleur d’ajouter à la destination du bail celle de "vente à emporter".
Il s’agit de la "déspécialisation partielle" du bail commercial, qui consiste pour le locataire à faire part à son bailleur de son "intention" d’exercer en complément une activité connexe ou complémentaire, soit par lettre recommandée avec accusé réception, soit par acte d’huissier.
Soit le bailleur accepte et le locataire peut exercer l’activité connexe envisagée (l’absence de réponse du bailleur sous 2 mois valant acceptation), soit le bailleur refuse et dans ce cas le locataire pourra saisir le juge compétent de ce litige.
Cette déspécialisation partielle n’autorise pas le bailleur à augmenter immédiatement le loyer, mais il pourrait demander cette augmentation à l’occasion de la prochaine révision triennale, en cas d’augmentation de la valeur locative des locaux loués (ce qui est peu probable, dans le contexte de crise actuelle).
En temps normal, l’information par le locataire de son intention d’exercer une activité connexe doit être délivrée au bailleur préalablement à l’exercice de l’activité envisagée.
Comment faire puisque cette activité a d’ores et déjà été exercée depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois ?
Il conviendrait par prudence d’anticiper cette demande (sans attendre la fin des mesures liées au Covid-19), ou alors de cesser provisoirement toute activité de vente à emporter à la fin des mesures exceptionnelles pour ne reprendre cette activité qu’une fois la déspécialisation obtenue.
Ces précautions sont importantes puisque la modification de l’activité exercée dans les locaux sans information préalable du bailleur peut conduire à la résiliation judiciaire du bail ou au refus de renouvellement sans indemnité d’éviction (même s’il est probable que les juges soient tolérants sur ce point compte-tenu du contexte).
L’entreprise qui pratique la vente à emporter se doit de faire respecter les conditions d’hygiène et de sécurité requises vis-à-vis de ses employés.
Si l’activité de vente à emporter est envisagée de manière définitive, il convient de mettre à jour son K-bis, si cette activité n’y figure pas, en se rapprochant pour cela du Centre de Formalité des Entreprises compétent.
L’autorisation de vente à emporter pour les restaurants et débits de boissons inclut la vente de boissons alcooliques, sous réserve pour l’établissement d’être en possession de la licence correspondante, et de respecter les catégories de boissons autorisées par sa licence.