Quelles conséquences lorsque le motif économique invoqué par l’employeur au soutien du ou des licenciement(s) prononcé(s) résulte de sa propre faute ?
Témoignage

Parole d'expert :
Thomas ROBERT - Avocat
Uriel SANSY - Avocat associé
cabinet Factorhy Avocats

Selon le code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
 

(i) à des difficultés économiques ;
(ii) à des mutations technologiques ;
(iii) à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; ou
(iv) à une cessation d’activité de l’entreprise[1].

 

Une procédure de licenciement pour motif économique peut être individuelle ou collective. Le caractère collectif apparaît rempli dès lors que le projet de licenciement concerne au moins deux salariés dans une même période de 30 jours.

 

La procédure de licenciement collectif pour motif économique varie en fonction de l’effectif de l’entreprise et du nombre de salariés concernés. A titre d’illustration, dans l’hypothèse où le projet concernerait (i) au moins 10 salariés (ii) dans une même période de 30 jours (iii) dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, un plan de sauvegarde de l’emploi doit être établi et mis en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre[2].

 

En tout état de cause, le bien-fondé du motif économique fera, en cas de contestation en justice, l’objet d’une appréciation par le juge.
 

Se pose alors la question des conséquences de la faute de l’employeur, qui se trouverait être à l’origine du motif économique mis en avant, dans l’appréciation du bien-fondé du ou des licenciements prononcés sur ce motif.
 

La Cour de cassation a déjà précisé que le licenciement prononcé sur le fondement du motif économique des difficultés économiques est sans cause réelle et sérieuse dès lors que lesdites difficultés économiques résultent d’agissements fautifs de l’employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion[3].
 

Cette règle a également vocation à s’appliquer au motif économique de la cessation d’activité dès lors que celle-ci résulte d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur[4]. Cette solution a récemment été appliquée à l’hypothèse d’une cessation d’activité résultant d’une liquidation judiciaire de l’entreprise[5].

 

Se posait alors la question de savoir si cette solution était également applicable à celui de la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

 

Par le biais d’un arrêt amené à une large publicité, la Cour de cassation a, pour la première fois, jugé le 4 novembre 2020 qu’une faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés[6].
 

La Cour de cassation a toutefois indiqué que l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute[7].
 

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait caractérisé la faute de l’employeur par « des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires » lesquelles résultaient de remontées de dividendes de la société ayant procédé au licenciement pour motif économique vers la société holding. L’objectif de ces remontées était de permettre le remboursement d’un emprunt du groupe occasionné par une opération d’achat avec effet de levier (leverage buy-out).
 

La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement, considérant que ces motifs étaient insuffisants à caractériser la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise.
 

Aussi, et dans l’appréciation de la faute éventuellement commise par l’employeur, la Cour de cassation veille à ce que le juge saisi d’une telle contestation n’effectue pas « un contrôle sur les choix de gestion de l’employeur »[8].
 

Il n’en reste pas moins que si l’employeur décide de procéder à un licenciement pour motif économique, c’est à la condition toutefois que ce motif ne résulte pas de sa propre faute.
 

Les entreprises doivent donc se montrer vigilantes et apprécier la situation de l’entreprise à l’aune des éventuels agissements passés. Invoquer un motif économique consécutif à leur « faute » les expose à ce que les licenciements prononcés sur ce motif soient considérés comme sans cause réelle et sérieuse.

 

[1] Article L. 1233-3 du code du travail.

[2] Article L. 1233-61 du code du travail

[3] Cass. soc., 24 mai 2018, n° 17-12.560.

[4] Cass. soc., 23 mars 217, n° 15-21.183.

[5] Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-26.140.

[6] Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 18-23.029.

[7] Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 18-23.029.

[8] Cour de Cass. Note explicative relative à l’arrêt du 4 novembre 2020


 


Parole d'expert : 
Uriel SANSY - Avocat associé
Thomas ROBERT - Avocat
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