Vaccination contre le Covid-19 : quelles possibilités pour les employeurs ?
Témoignage

Parole d'expert : Anne  LELEU-ÉTÉ - Avocat, Droit du travail - Axel Avocats

La période de vaccination contre le Covid-19 s’est ouverte à la fin de l’année 2020. Dans ce cadre et pour favoriser la reprise de leur activité, les entreprises peuvent s’interroger sur la possibilité d’imposer la vaccination à leurs salariés. Un tour d’horizon des règles en vigueur s’impose.

Au cours d’une interview donnée sur France Info le 5 janvier 2021, la Ministre du Travail, Elisabeth Borne, a indiqué que les entreprises pourraient jouer un rôle dans la stratégie de vaccination contre le Covid-19. Ce rôle ne sera toutefois pas attendu avant la "phase 3" de la stratégie nationale de vaccination (phase réservée aux "autres tranches de la population", après les personnes âgées et les personnes vulnérables et devant se dérouler au printemps 2021).


Les employeurs pourront-ils alors imposer à leurs salariés de se faire vacciner, le cas échéant sur le fondement de leur obligation générale de sécurité ? Pourront-ils, y compris en dehors de toute obligation légale, prévoir la vaccination de leurs salariés pour sécuriser la reprise de leur activité ?


Autant de questions d’actualité dans le cadre de l’ouverture de la campagne nationale de vaccination.

La vaccination contre le Covid-19 réservée aux salariés volontaires

De manière générale, les textes contiennent relativement peu de dispositions relatives à la vaccination en milieu professionnel.

Dans un but de prévention des risques professionnels, deux situations peuvent se présenter :

  • Certaines vaccinations liées à l’exercice d’une profession sont imposées par le Code de la santé publique pour certains personnels : lorsque l’activité relève de secteurs spécifiques, comme par exemple les établissements de soins ou les laboratoires de biologie médicale, et uniquement contre certaines maladies limitativement énumérées. 
  • Pour les autres vaccinations existantes, il convient de se reporter aux dispositions de l’article R.4426-6 du Code du travail, lequel dispose que l’employeur recommande, s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, les vaccinations appropriées aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés. 
    Ainsi, pour toutes les hypothèses dans lesquelles la vaccination obligatoire n’est pas prévue, l’employeur ne peut pas imposer la vaccination mais seulement la recommander ; et cela ne le dispense pas de mettre en œuvre une analyse des risques appropriée ainsi que toutes les mesures de prévention nécessaires compte tenu de l’exposition à l’agent biologique pathogène.

A ce jour, la vaccination contre le Covid-19 ne figure pas dans la liste des maladies contre lesquelles l’employeur est autorisé à imposer la vaccination.

En revanche, en tant qu’agent biologique pathogène de niveau 2 (tel que reconnu par le Gouvernement), le Covid-19 peut être considéré comme étant visé par les dispositions de l’article R.4426-6 du Code du travail.

Ainsi, en l’état actuel du droit, et en cohérence avec la politique choisie par la France de ne pas rendre le vaccin obligatoire, l’employeur ne peut, en aucun cas, imposer une vaccination contre le Covid-19 à ses salariés. Toute opération de vaccination en entreprise est donc soumise au principe du volontariat, comme l’a rappelé la Ministre du travail le 5 janvier 2021.

Impossibilité de sanctionner un salarié en cas de refus de vaccination

Compte tenu de ce principe de volontariat, la marge de manœuvre de l’employeur est aujourd’hui très limitée, voire nulle.

En substance, l’employeur ne pourra pas mettre en œuvre de mesures particulières vis-à-vis de son salarié, que ce soit pour le contraindre à se faire vacciner ou pour le sanctionner de ne pas l’avoir fait.

Ainsi, l’employeur ne pourra pas conditionner le retour du salarié en présentiel à sa vaccination, maintenir le télétravail pour les salariés non-vaccinés, ou encore interdire à un salarié non-vacciné de rejoindre son poste (y compris en maintenant son salaire).

Sanctionner un salarié sur ce fondement, quelle que soit la nature de la sanction sera également exclu.

Un encadrement à venir des campagnes de vaccination organisées par les entreprises

Il ne fait nul doute que la majorité des employeurs communiqueront auprès de leurs salariés en faveur de la vaccination, quand bien même cette recommandation resterait facultative.

A l’instar de Renault et EDF, certaines entreprises iront même plus loin et envisageront d’organiser des campagnes de vaccination contre le Covid-19 (comme cela existe déjà au sein de nombreux groupes en matière de vaccination contre la grippe par exemple).

Dans cette hypothèse, comme nous l’avons vu, ces dernières ne pourront prévoir que des mesures incitatives et non coercitives.

Par ailleurs, de telles campagnes impliquent des contraintes organisationnelles, administratives et logistiques importantes, ne serait-ce qu’en matière de gestion des déchets, de transport du vaccin, de traçabilité des lots, ou encore d’analyse de la situation individuelle de chaque salarié, etc.

Une collaboration étroite entre l’entreprise et la médecine du travail sera, à cet effet, essentielle.

D’un point de vue strictement RH, il sera également indispensable d’impliquer à la fois les représentants du personnel, qu’il s’agisse du Comité Social et Economique (CSE) ou de la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) si elle existe dans l’entreprise, et le référent Covid-19, tout désigné pour jouer un rôle dans ce cadre.

Une attention particulière devra enfin être portée au respect du secret médical d’une part, et du règlement général pour la protection des données (RGPD) d’autre part, dès lors que le consentement des salariés devra nécessairement être recueilli par le médecin ou l’infirmier qui réalisera l’acte. En revanche, l’employeur ne pourra pas recenser les salariés s’étant fait vacciner ni, en tout état de cause, enregistrer de données personnelles relatives à leur état de santé.

Il a néanmoins été précisé par la Ministre du travail que les salariés pourraient être invités à informer leur employeur de la réalisation de la vaccination, sans que cela puisse devenir une obligation.

Des précisions devraient bientôt être transmises par le Gouvernement. Selon la Ministre du Travail, c’est au printemps seulement que les entreprises pourront proposer à leurs salariés d’être vaccinés. Entre temps, elle indiquait qu’un cadre devrait être posé par le Gouvernement.
 

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